L'évocation de la ville de Ramatuelle dans l'article de la section Rubis, me remet en mémoire une journée passée en partie dans cette ville en 1958 ou 1959 je ne sais plus exactement pour l'inauguration d'un monument commémorant un débarquement d'agents par le sous-marin Casabianca.
Nous étions 6 : 5 jeunes matelots et un second maître du sous-marin l'Astrée. Le second maître torpilleur JAN , maître chargé sur l'Astrée et 5 matelots fraîchement sortis de l'école et qui avaient encore en mémoire le maniement des armes. Nous devions constituer le piquet d'honneur lors de l'inauguration de deux monuments. Pour cette occasion il nous avait été distribué des rubans légendes « Casabianca » à mettre en lieu et place de « Sous-marin l'Astrée »., et le chef reçoit le fanion de l'escorteur d'escadre Casabianca. Départ en Junker, c'est ainsi que l'on appelait les camionnettes tôlées Citroën pour la base aéronavale de Saint-Raphaël, à partir de laquelle nous serions pilotés vers les lieux de cérémonie. Un gendarme maritime en motocyclette nous prend en charge et nous amène à Ramatuelle. Il y a un monument (je ne l'ai pas retrouvé lors d'un voyage récent) érigé en souvenir des débarquements faits par le sous-marin Casabianca sous les ordres du Commandant Lherminier. IL y a une musique, pleins de galonnés et étoilés et des civils. Notre rôle sera de rendre les honneurs lors de différents moments de la cérémonie. Fastoche. Marseillaise, dépôt de gerbes, etc. Alors que nous présentons les armes, un groupe de personnalités nous passe en revue. Parmi elles une dame toute vêtue de noir qui marche tête baissée et semble nous ignorer. Le groupe s'éloigne et le chef Jan me dit tout bas, j'étais à sa gauche ;
- C'est madame Lherminier.
Durant la cérémonie elle se trouvait face à nous et elle a bien dû voir que nous portions le ruban Casabianca et que le chef avait le fanion. Etrange attitude lorsqu'elle passe près de nous. Etait- elle intéressée par cette cérémonie ? Cette première partie étant terminée, nous retournons à la base de Saint-Raphaël pour le repas. Une autre cérémonie est prévue l'après-midi.
Le point de rendez- vous de l'après-midi était proche d'un restaurant là où déjeunaient les officiels. Un gendarme maritime assurait la surveillance de l'établissement, il discute avec celui qui nous avait pilotés et explique que le repas avait été houleux entre les partisans du Commandant Lherminier et d'autres qui l'étaient moins. Il avait bien failli intervenir.
Nous nous rendons ensuite en bord de mer par un chemin escarpé, à peine déblayé des roches inutiles. Sur un rocher à deux pas de la mer, une plaque a été apposée à l'endroit où ont été débarqués les agents.
Tant bien que mal nous assurons notre tâche dans un alignement approximatif.
La cérémonie terminée, demi tour. Tout le monde se trouve devant nous. Survient alors un amiral qui interroge le chef Jan ;
-C'est le fanion du Casabianca ?
-Oui amiral !
- Trop précieux pour être confié à un second maître ! Et il enlève le fanion du P.M et s'éloigne en courant. Compte tenu du monde qu'il y a devant nous, le chef ne parvient pas à le rattraper, et le fanion disparaît. Le chef habituellement calme est très en colère. il avait rencontré le Commandant Lherminier dans un hôpital en Amérique. Il fait part de la mésaventure au Gendarme maritime qui va rendre compte dès son retour. Pour nous le retour se fait en silence. Le chef Jan rend compte immédiatement à l'officier de garde lors de la restitution des armes.
Ce n'est qu'une quinzaine de jours plus tard que nous avons été avisés que la restitution du fanion venait de se faire. Un soulagement.
Que penser de cette journée. Elle m'a profondément marqué. Les invités étaient- ils conscients de ce que cette cérémonie représentait pour certains ? Ne pouvaient- ils point laisser au placard leur point de vue ?
Par la suite il m'est arrivé d'assister à des inaugurations de monuments commémoratifs et jamais il n'y eut ce genre d'incident.
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