Prochaine réunion de l'Amicale Doris de l'AGASM le samedi 1 avril 2023 à 10h30 Hôtel / Restaurant Les Gens de Mer de Dunkerque

Redoutable - Le Sous-marin Nucléaire Lanceur d'Engins par Yves-Marie BONNAILLIE membre de la section Doris de l'AGASM

Redoutable - Le Sous-marin Nucléaire Lanceur d'Engins par Yves-Marie BONNAILLIE membre de la section Doris de l'AGASM
article posté le 28-02-2006 à 22:58:35, par Jean-Luc DELAETER

30 ANS APRES




Voilà presque 30 ans que je ne l'ai pas revu.
Comment le trouverai-je ?

Ressemblera-t-il encore à celui que j'ai connu, avec qui j'ai passé mes vingt ans.

Comment a-t-il vieilli, comment est-il conservé ?
N'a-t-il pas trop souffert de son heureuse reconversion ?

J'allai bientôt avoir réponse à toutes mes interrogations car j'arrivai à la «cité de la mer» de Cherbourg. Le temps est glacial, seulement 3 degré.

Telle une bête de cirque le voilà dans sa fosse. Posé sur la ligne de tin, à sec dans le bassin aménagé spécialement pour lui. En guise de porte, le béton a scellé définitivement son destin. Les périscopes de veille et d'attaque sont hissés, vulnérables, figés dans le temps.
Le Redoutable est là, à la vue de tous, lui qui était autrefois si discret.

Après avoir pris le ticket, une hôtesse propose un écouteur autonome pour suivre la visite qui est commentée par le commandant «Prudhomme»

Pour des raisons pratiques, de sécurité et pour faciliter les visites, des portes d'accès ont été découpés sur la coque du S611. En guise de coupée une passerelle nous fait pénétrer sur le flan bâbord directement dans le compartiment A ou machine. Le réflexe de saluer le bord avant d'y monter est troublé par l'absence de pavillon mais surtout aussi à cause de l'accès si facile et rapide.

Pour permettre le passage, l'arbre de l'hélice est coupé sur un mètre à peu près juste avant l'étoupe. Un des deux alternateurs principaux est enlevé pour faciliter le passage. Le poste de commande propulsion est là intact. Les indicateurs semblent sous tension, les témoins lumineux et toutes les signalisations sont en service. C'est le cas aussi pour tous les coffrets tableaux ou armoires de tous systèmes partout à bord. De plus des hauts parleurs diffusent l'ambiance des conversations opérationnelles sur tous les postes de travails.


.

.


On arrive ensuite en tranche B (distribution électrique). C'est ici que je faisais le quart à la mer, juste à coté du sas d'évacuation secours. L'accès au pont inférieur et le coté des «atomiciens» sont fermés et invisibles pour le commun des visiteurs.

Ensuite la tranche C compartiment réacteur échangeur qui comme tout le monde le sait a été enlevé est remplacé par un tronçon vide (Le restera t il ?) que l'on traverse non plus par une coursive mais avec une grande passerelle qui nous mène sur la tranche D avec les poumons de tout le système car on y trouve les usines de production d'oxygène et d'élimination de Co2.

Le pont inférieur est visible en petite partie au travers de deux mètres carré de plexiglas qui fait office de plancher. Le pont supérieur est lui fermé au public par une chaîne. On y trouverait principalement le sas d'accès de l'équipage.

La visite se poursuit par la tranche E : celle des missiles. Nous passons par le pont du milieu, coté tribord les autres sont aussi ignorés. On y trouve les armoires de surveillance et de calcul de trajectoire. Ces armoires étaient grandes consommatrices d'eau froide pour leur réfrigération. A l'époque, les microprocesseurs n'existaient pas et les circuits dégageaient beaucoup de chaleur qu'il fallait évacuer.

Je me souviens lors d'une patrouille, un des deux groupes frigo (production d'eau froide) cassa. Ces usines d'eau froide servaient pour la climatisation de l'air et pour la réfrigération d'armoires de calcul entre autre. Un moteur de compresseur avait explosé ; le rotor s'était éjecté me semble t-il de sa cage. Un groupe ne suffisait pas à assurer la pleine charge des circuits, et on privilégia bien entendu l'alimentation des armoires à celle de la climatisation. La suite de la patrouille se fit donc avec une atmosphère plus chaude et un peu moite. Nous étions habitués à l'air conditionné; il n'était plus question de faire du sport car on transpirait très rapidement.

La tranche E est la plus longue du bord, c'est ici que nos yeux avaient l'horizon le plus loin. Après l'avoir traversé, nous arrivons au PCNO en tranche F par un accès aménagé. Tout y est hormis le labyrinthe de cloisons enlevé pour faciliter le passage du plus grand nombre. Des cloisons résistantes étanches ont aussi disparus pour les mêmes raisons.

On peut voir à divers endroit du bord, des faisceaux de câbles et de tuyauterie coupés net pour le passage. Cela fait un pincement au cœur, je pense que l'on ne peut pas être insensible à cela lorsque l'on a aimé «servir à bord».

Des petites caméras discrètes sont placées le long de la visite, l'écouteur autonome est facile d'utilisation et permet de couper et reprendre le récit à notre guise. C'est important lorsque l'on veut ajouter des commentaires ou faire partager tout simplement des souvenirs. La tranche F est aussi la «tranche vie» et l'on arrive rapidement dans la coursive avec les chambres d'officier, l'office, le carré, les douches, les poulaines. Là aussi tout est visible et bien conservé.

Sur le pont au dessous, je revoie les chambres d'Officiers Mariniers et de l'équipage. J'ai revu la bannette que j'avais lors d'une patrouille. Comment ne pas avoir plein de souvenirs lorsque sur l'une des portes on peut encore lire «Le moal; Le bihan; ... Des noms encore inscrit à la pince dymo. Des noms qui sont comme gravés pour toujours. Tous marins de la «royale» ont connu de tels noms.

La cafétéria, la cuisine, la cambuse, la plonge, là aussi tout y est. Une machine Expresso y est même; elle n'y était pas en 1977/1978. Un plancher de plexiglas dans une chambre laisse voir en bas l'infirmerie avec la table d'opération. Lors de ma visite il faisait très froid, la ventilation permanente du bord a enlevé les odeurs si particulières et caractéristiques. Moi qui en ai conservé une grande quantité dans «la mémoire olfactive», je ressens une certaine frustration.

La vue, l'ouie sont assouvis de leurs souvenirs, dommage qu'un sens si développé dans ces contextes de vie de sous mariniers ne puisse l'être aussi.

La visite se termine par le dernier compartiment du bord : celui des torpilles. Deux tubes sont ouverts prêt à recevoir leur engin qui est posé sur le rail.

En sortant par la porte avant découpée sur le flanc bâbord, on peut voir un ballast avec toute sa superstructure.

Voilà la visite était terminée, du moins je le pensais. Avant de quitter cette fameuse gare maritime, j'ai refais un tour du bord ; Là j'étais seul me semble t-il avec le gardien du bord resté à son poste tout à l'arrière du bâtiment. Drôles d'impressions ; Cela ne m'était jamais arrivé, j'ai donc refait la visite comme pour savourer le moment présent.

Voilà après ma visite, je ne peux que la conseiller, d'autant plus qu'il est en projet de pouvoir descendre au fond du bassin pour faire le tour du bâtiment et d'avoir ainsi une vue toute autre du monstre d'acier.

.

 
2 réactions
2. Le 18-11-2008 à 22:14:52 par R . CAMLITI :
Bonjour,
Je suis un ancien technicien, ayant participé a la fabrication des BN-H installées a bord du redoutable dans les années 90.J'ai eu l'occasion, de retourner a Cherbourg, et revoir cette merveille qu'est le Redoutable. J'avoue avoir eu les larmes aux yeux, en retrouvant les differentes parties ou j'ai passé des jours et des nuits a y travailler. J'ai accroché sur le mur de mon salon, l'emblème en bronze du sous marin.

Bien cordialement .

R CAMLITI
3. Le 04-09-2007 à 13:52:23 par Benoît Leducq :
Bonjour,
J'ai lu ta visite du Redoutable à la Cité de la mer à Cherbourg avec grand intérêt, et comprends l'émotion que l'on doit rensentir ainsi que la frustration de savoir "qu'il ne naviguera plus jamais - mais qu'il restera un symbole fort"
Aussi, j'ai navigué à bord du Foudroyant de 1977 à 1980 en tant que QM1 radio (p13 + carénage, P1 et P3 - voir photos et commentaires sur le site ainsi que sur zone sous-marin - onglet photos de marins) - Je me suis demandé ce qu'était devenu le Foudroyant, un officier m'a répondu à Brest qu'il devait rouiller quelque part dans un bassin à Cherbourg; Décidemment il faut que j'y aille, c'est là que la première meute nucléaire est devenue...la proie des ferrailleurs...
Enfin, j'ai renoué quelques contacts avec des anciens par internet depuis une visite totalement imprévue de la Fost à Brest en 2005.
Cordialement et @ +
B.leducq

 

Ajouter un commentaire
Je désire ajouter un nouveau commentaire pour cet article
Rechercher sur le site
Le plan du site
Section Doris de l'AGASM - Les Sous-Mariniers de Flandres-Artois
Les Officiers Mariniers des Hauts de France
Association "Un Sous-Marin à Dunkerque"
Nos reportages textes et photos - Nos Bases Picasa
Recherches - Témoignages
Bibliothèque - Maquettes - Vidéothèque - Presse - Sur la toile
Actualité - Cérémonies - Commémorations
AGASM et ses sections
AMMAC
La Marine Nationale
ACORAM - Section de Dunkerque
En souvenir de.
Offres d'Emploi
Derniers commentaires
01-03 : 2023 Samedi 18 février Les membres de l'AMMAC de... - Jean-Luc DELAETER
28-02 : 2023 Samedi 18 février Les membres de l'AMMAC de... - Maurice Cwynar
23-02 : A.G.A.S.M - Section Rubis de Toulon - Lohmann. Alain
15-02 : 1970 Jeudi 20 août 20h30 Le sous-marin français... - PAPIN Jean-Louis
13-02 : A.G.A.S.M - Section Rubis de Toulon - GAUTIER Pierre
Les billets les plus populaires
1. Sous-Marin Requin S 634 - Un Sous-Marin faisant partie de l'escadre de l'atlantique et basé à la BSM de Kéroman de Lorient
2. La base abri de Dunkerque de 1941 à 1958
3. Emeraude - Un Sous-marin Nucléaire d'Attaque - Le mercredi 30 mars 1994 un accident mortel sur le SNA
4. Les arpets 50 ans après Une école de la Marine Nationale
5. Doris I Tragédie du Sous-Marin disparu